Le joueur de Mandoline

Le pub "Chez Marina" était plein à craquer en ce vendredi soir, comme à tous les vendredi soirs depuis que Marina, patrone du bar, avait décidé d'attirer des clients en invitant divers musiciens et amuseurs publics depuis quelques mois. Les clients, pour la plupart des matelots exténués par leur semaine, riaient fort en faisant circuler l'argent et les pichets de cervoise vers le musicien, qui chantait des louanges pour un prêtre:

"...Il confess' les filles de joie
Qui on mal occupé leurs vies.
Mal occu....
Mal occu....
Qui on mal occupé leurs vies..."

Une demi-douzaine de matelots assis à une même table se mirent à rire fort, avant de répondre au chanteur:

Mal occu....
Mal occu....
Qui on mal occupé leurs vies!

Définitivement, Ion Mastell était devenu le musicien préféré des ivrognes. Les joues une jolie teinte entre le rose bonbon et le rose fuschia pour la quantité de cervoise qu'il avait déjà bu, la voix un peu plus rauque que d'habitude pour avoir chanté depuis les trois dernières heures, personne n'aurait pensé que ce borgne dont le répertoire avait passé de la ballade courteoise à la chanson grivoise au fur et à mesure qu'on lui invitait des boissons aurait autrefois fait partie de la noblesse Uruanne. Il fit un dernier accord sur sa mandoline, avant de lever le bras.

"Merci! Merci beaucoup messieurs! Je chante une dernière avant de finir pour ce soir...
-Une Grivoise!! clâma un homme presque ivre-mort. Pendant toute la soirée, il n'avait cessé d'offrir à Ion des boissons en échange de chansons grivoises, et le musicien avait épuisé son répertoire d'obscénités, en plus d'être à sa limite en ce qui concerne sa tolérance à l'alcool.
-J'ai déjè chanté toutes les grivoises que je connais...
-Bouh! Une grivoise!
-Je connais une meilleure chanson!
-Est-ce que c'est une grivoise?
-Non...
-Une Grivoise!!

Ion soupira, avant de sourire. Il savait comment convaincre l'ivrogne de le laisser chanter.

"Bon, je ne sais pas si c'est vraiment une chanson grivoise, mais ça parle de matelots, de filles, et de sexe, alors...
-OUAIS!!"

Ion but d'un trait l'énorme verre d'eau que la serveuse lui avait donné plus tôt, se râcla la gorge, fit les premiers accords, avant d'entamer d'une voix claire et forte:

"Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent
Au large d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dorment
Comme des oriflammes
Le long des berges mornes
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui meurent
Pleins de bière et de drames
Aux premières lueurs
Mais dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui naissent
Dans la chaleur épaisse
Des langueurs océanes..."

Ion avait réussi à capter l'attention de son public. Pendant un moment, il craignait se faire couper la parole par l'ivrogne amateur de chansons grivoises, mais même se dernier se tenait silencieux. Le joueur de mandoline continua de plus belle:

"...Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dansent
En se frottant la panse
Sur la panse des femmes
Et ils tournent et ils dansent
Comme des soleils crachés
Dans le son déchiré
D'un accordéon rance
Ils se tordent le cou
Pour mieux s'entendre rire
Jusqu'à ce que tout à coup
L'accordéon expire
Alors le geste grave
Alors le regard fier
Ils ramènent leur batave
Jusqu'en pleine lumière..."

La voix plus claire et plus forte, Ion chantait en grattant de manière presque féroce les cordes de son instrument... Thomas lui avait souvent dit qu'il chantait avec un peu trop d'émotion lorsqu'il se mettait à boire...

"...Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui boivent
Et qui boivent et reboivent
Et qui reboivent encore
Ils boivent à la santé
Des putains d'Amsterdam
De Hambourg ou d'ailleurs
Enfin ils boivent aux dames
Qui leur donnent leur joli corps
Qui leur donnent leur vertu
Pour une pièce en or
Et quand ils ont bien bu
Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles
Dans le port d'Amsterdam!
Dans le port d'Amsterdam!..."

L'ivrogne (ainsi qu'une bonne partie de la clientèle de Chez Marina) resta bouche bée devant le borgne qui finissait sa mélodie avec quelques derniers accords... avant de se mettre à crier:

"OUAAAAIS!!! Un rappel! Un rappel!!

Mais le musicien se contenta de sourire, avant de commencer à ranger sa mandoline dans un baluchon de toile. Le matelot ivre s'impatienta.

"Hé! Pourquoi tu ranges tes affaires? On veut un rappel, nous! Chante encore ta belle chanson!!"

Ion secoua la tête, avant de s'approcher de l'ivrogne mélomane en pointant vers sa gorge. Il murmura d'une voix rauque, trop rauque, avec son oeil droit qui semblait dire plus que sa voix , avec son regard désolé:

"J'aurais adoré continuer à chanter, mais j'ai chanté un peu trop fort la fin... désolé."

*Tom me disait toujours que je chantais avec trop d'émotion... peut-être avait il raison.*

Ion s'assit au bar, la mandoline contre sa jambe, et signala d'un geste las de la main à la serveuse d'approcher.

"De l'eau, s'il vous plait..."

Le musicien bougeait ses doigts, avant d'en examiner les extrémités couvertes de callosités. Pendant ce temps, dans la salle, les conversations s'étaient mises à aller de bon train, une fois que le silence déçu de ne pas entendre Ion davantage était passé. Ce dernier s'était vraisemblablement fondu à la foule, surtout après que l'ivrogne cessa de le regarder de biais dans l'espoir de le voir se lever et chanter à nouveau.

Las d'attendre son eau, Ion se leva, se tourna... et heurta quelqu'un qu'il aurait pu être capable de voir du coin de l'oeil gauche... aurait-il été capable de voir avec l'oeil de verre.

"Pardon..."

Ion jeta un coup d'oeil discret à l'individu qu'il venait de heurter, priant qu'il ne s'agisse pas d'un ivrogne agressif... ou quelqu'un qui puisse l'avoir connu lors de sa jeunesse et qui aurait pu lui commenter son évasion de mariage.

[Pardon pour la longueur inutile du post, et pour le contenu quelque peu... suggestif de la chanson du curé... ^^; Libre à qui veut répondre, évidemment.]

(J'espère que mon(mes) personnage(s) saura(ont) rendre ce post intéressant malgré qu'il(s) n'ait(ent) aucun lien avec Ion... Mais le répertoire de chansons étant si bien choisi que je me dois de m'imposer ^^.)

Convaincus par un jeune militaire plein de bons arguments, Pavel et Sevastian avaient finalement pliés à sa requête et s'étaient décidés à entrer au bar. Ils n'aimaient pas beaucoup s'exhiber ainsi dans de pareilles foules, mais l'entraînement d'aujourd'hui (supervisé par Capitaine Békenzy elle-même) avait été particulièrement éprouvant et un verre ou deux ne serraient pas de refus.

La recrue qui les avaient amenés ici se trouvait déjà devant le bar, discutant avec la serveuse. Les siamois se dirigeaient dans sa direction, plus ou moins à l'aise, quand Sevastian s'arrêta brusquement au beau milieu de la place.

"Il y a un problème, Sev?"

Pavel jeta des regards de biais aux nombreux soldats et autres clients qui passaient près d'eux. Il se concentra ensuite sur ce qui semblait attirer l'attention de son frère.
Un homme d'âge moyen venait d'entamer un chant à l'air un peu triste, avec une touche de barbarie émouvante...

*Hamster Dame? C'est le nom d'une cité??*

Ressemblants à deux grands rochers traversants le plancher de la taverne, leurs longs manteaux gris toujours sur leurs épaules, les Lyov écoutèrent le chanteur attentivement, jusqu'à l'accord final. Sevastian s'exclama alors, comme la majorité des autres clients, tout à fait enchanté par ce qu'il venait d'entendre. Il suivit l'inconnu du regard, de sa petite scène improvisée au bar.

"Sevastian...?"

Celui-ci n'avait pas encore ouvert la bouche qu'il partit à grand pas dans la direction que le blondinet avait apparemment pris, entraînant son frère avec lui.

"Éh, oh!! Tu peux me dire ce qui se passe?"

Après avoir manqué de tomber une ou deux fois, emporté par l'enthousiasme de son jumeau, le frère de gauche repris tant bien que mal une démarche sûre.

"Excuse-moi, Pav... Mais je veux parler à cet homme... Merde! Ou est-il pass..."

Il n'eut pas davantage le temps de s'expliquer que l'homme en question avait heurté son long et large torse. Il prit quelques secondes pour se remettre de la surprise, puis pris la parole.

"Ah! Bien le bonsoir, monsieur! Je me demandais simplement... Ce chant, tout à l'heure... Enfin... Amsterdam, ça me dit quelque chose. Vous y être allé?"

Pavel jeta un regard à son frère, sceptique.

"Oh, j'oubliais... Mon nom est Sevastian, et celui du sombre personnage ici, c'est Pavel... Lyov."

Pendant un instant, un centième d’instant même, alors qu’Ion jeta un coup d’œil aux deux visages identiques— et, ma foi, très, très proches l’un de l’autre— il se demanda s’il avait assez bu pour voir double... puis se souvint aussitôt qu’il faut deux yeux pour voir double. Il regarda ces deux têtes avec une pointe de curiosité, ces deux têtes qui semblaient être jointes par un énorme torse... Ils devaient avoir son âge, sinon un peu plus.

*J’ai sûrement trop bu... ces deux hommes doivent être simplement collés l’un contre l’autre...*

Après un silence légèrement embarrassant, l’homme de droite lui adressa la parole.

"Ah! Bien le bonsoir, monsieur! Je me demandais simplement... Ce chant, tout à l'heure... Enfin... Amsterdam, ça me dit quelque chose. Vous y être allé?"

Ion sourit. Au timbre de sa voix, cet homme était sans aucun doute l’homme le plus sobre de tout le pub; aucun ne risque qu’il vienne beugler comme un veau en le voyant, comme ce fut le cas la dernière fois qu’Ion était venu au bar et qu’un ivrogne ne voulait plus le laisser partir...
Ce fut avec sa voix brisée qu’il répondit aux curieux énergumènes. Bon sang, où était la serveuse avec son verre d’eau?!

« Oui; j’y suis allé plus d’une fois même. Une très jolie ville, si vous voulez mon avis... »

*...avec plein de libraires et d’alchimistes qui nous ont aidés, à Tom et à moi... l’architecture y était jolie aussi, d’ailleurs...*

« Il y a plein de choses à y voir, c’est toute une cité... »

L’homme de gauche jeta un regard sceptique à son jumeau, qui continua:

"Oh, j'oubliais... Mon nom est Sevastian, et celui du sombre personnage ici, c'est Pavel... Lyov."

Ion sourit aux jumeaux. « Enchanté. »

* Ah, des jumeaux. Je ne vois pas double, c’est bien... Ils doivent s’aimer, s’ils sont si proches, à moins que...*

La réponse à la petite réflexion d’Ion fut donnée par la serveuse, qui arriva (enfin!) avec le verre d’eau tant convoité par le joueur de mandoline.

« Voilà votre eau m’sieur, désolé du contretemps... »

Elle s’arrêta en regardant les jumeaux, avec un air de... était-ce de la pitié? Ion suivit son regard, et comprit enfin pourquoi les deux hommes étaient collés l’un contre l’autre. Ils étaient apparemment joints au niveau des hanches. Ion regarda la serveuse, puis les jumeaux, avant de prendre son eau, la boire d’un trait, puis la remettre à la serveuse :

« Mademoi.... hum HUM! *tousse* Bon! Mademoiselle, désolé de te faire faire des allers-retours sans arrêt, mais pourrais-tu nous apporter trois cervoises à cette table-là? (Ion pointa du doigt la table qu’il avait utilisé comme scène improvisée.) Et... *tousse* J’aurais besoin d’un pichet d’eau et d’un cendrier, s’il te plait. Ah, et tant que tu y es, est-ce que Marina fait encore de ces petits pains fourrés à la viande? Si elle en fait encore, j’en voudrais un. »

La jeune femme détourna son regard des jumeaux, avec un air presque perdu à la vitesse à laquelle Ion fit sa commande, avant d’acquiescer de la tête et détaler vers la cuisine pour voir si les petits pains fourrés étaient encore en stock. « Oui, m’sieur! »

Ion indiqua d’un geste aux jumeaux de s’asseoir. Il observa discrètement la coordination entre leurs mouvements avant de s’asseoir, sa mandoline posée contre sa jambe.

*Hum... Ça a du leur prendre des années pour être aussi bien coordonnés l’un avec l’autre. J’ai déjà vu des siamois, mais j’ai toujours cru qu’ils ne vivaient pas au-delà de l’adolescence à cause de leur santé fragile... on dirait que j’avais tort.*

« Au fait messieurs... hum hum! *tousse* *TOUSSE* ah, je n’aurais vraiment pas dû chanter aussi fort Amsterdam... *tousse* Bon! »

Il sourit aux siamois, et leur tendit la main.

« Je ne me suis pas encore présenté. Je m’appelle Ion... »

*À bien y penser, j’ai fui Urua il y a plus de dix ans, alors le scandale de mon mariage a sans doute été oublié il y a longtemps... au pire, si on venait à me questionner, je pourrais toujours prétendre avoir été laissé derrière Urua...*

« ...Ion Mastell. »

L'inconnu donna une réponse quasi-inaudible à la question de Sevastian, ce qui obligea ce dernier à se pencher vers l'avant, surprenant quelques mots tels que "plus d'une fois", "jolie ville", "choses" et "cité". Il fit un sourire très voisin de la grimace qui signifiait visiblement: "je n'ai pas tout compris".

Dans le brouhaha de la taverne, les jumeaux ne remarquèrent pas tout de suite la serveuse qui venait tout juste de s'immiscer dans leur petit "cercle" de conversation. Lorsqu'elle pris la parole, Pavel ne put s'empêcher un léger mouvement de recul et détourna le regard. Son frère sentit la tension mais ne bougea pas, souriant toujours à son interlocuteur. Ce dernier effectua d'ailleurs une nouvelle commande auprès de la dame et il fallu quelques secondes de réflexion à Sevastian avant de comprendre qu'il les invitait en fait à prendre un verre.

Les Lyov s'installèrent docilement devant la table indiquée par l'homme à la voix enrouée, remerciant silencieusement Marina pour avoir choisit des bancs plutôt que des chaises pour son commerce. Les bras des chaises faisaient la vie dure aux pauvres siamois, quand venait le temps de s'asseoir...

Ion se présenta enfin, tendant la main vers eux. Devant la main tendue (autre petit problème au niveau de leur vie sociale), Pavel jeta un regard en coin à son frère: *C'est ton rôle, ça...*. Il n'en fallu pas plus à Sevastian pour empoigner solidement la main tendue. Comme pour ajouter à la cordialité, il ajouta, un peu bêtement:

"Je crois bien me rappeler de certains soldats parlant des Pays-Ras... C'était bien les Pays-Ras?... Et d'Amsterdam. C'est dommage,mais on y est jamais allé... Nous sommes descendus sur terre qu'une quinzaine de fois, lors de croisades et autres guerres du même genre. Et puis, vous vous doutez bien qu'on ne visite pas beaucoup, quand on est là pour éventrer les païens!"

Il poussa un rire un peu triste, mais non moins fort, comme pour excuser ses propos.

*...Ion Mastell...*

Pendant ce temps, le jumeau de gauche repassait ce nom dans sa tête, certain de l'avoir déjà entendu quelque part... Une fois de plus, il maudit son manque de mémoire.
Néanmoins, il pris la parole - d'un ton nettement moins jovial que celui de Sevastian, bien qu'il aient la même voix - .

"Vous... Vous devez venir d'une famille assez importante... Votre nom me dit vaguement quelque chose..."

Un étrange silence venait de s'installer pendant quelques secondes, mais fut rapidement interrompu par la jeune serveuse qui revenait, portant tant bien que mal pichet, coupes et panier de petit pains fourrés. Elle jeta un nouveau regard rapide aux siamois, avant d'offrir un sourire timide à Ion.

"Voilà! C'est la maison qui vous l'offre... Pour le spectacle..."

SOUDAINEMENT, (Non, non, je n'essaie pas de conclure le sujet de la manière la plus random possible, vous faites erreur) le jeune soldat qui avait entraînés les Lyov chez Marina surgit au bout de la petite table, reprenant son souffle.

"Hey les gars, on se tire! Y'a ce p'tit groupe de trois jeunots à qui vous avez réglé leur compte, y'a quelques jours... Bah, ils sont plus que trois, maintenant... Et je pense que s'ils vous voient... Enfin... Je v'nais vous prév'nir, quoi!"

Les jumeaux se regardèrent brièvement avant de se lever d'un même mouvement. Sevastian sorti quelques pièces de sa poche (ignorant ce que la serveuse venait tout juste de leur dire) et les laissa devant sa place.

"Je suis vraiment désolé, mais nous devons couper court. J'espère sincèrement qu'on se reverra!"

Pavel entama les premiers pas vers la sortie et ils disparurent rapidement parmi la foule, laissant le joueur de mandoline à ses propres préoccupations...

(Je suis vraiment, vraiment navrée d'avoir gâché ton premier sujet avec ce personnage, mais je me sentais mal de ne pas t'inspirer et, j'admet que je n'arrivais pas à trouver quelque idée géniale qui aurait pu t'aider à répondre. Si quelqu'un d'autre pouvait arriver dans le bar et prendre ma place, ce serait fort sympa... Ou alors tu peu utiliser l'histoire merdique du "groupe de jeunes" et continuer sur ma lancée (si ça t'inspire, ce qui serait surprenant ^^'''). Encore désolée; ça m'apprendra à m'incruster dans un topic ou je n'ai rien à faire -_-"". J'espère que les Lyov pourront un jour faire un post intéressant.)

[Note Hors-jeu: Bah... Enfin. L'inspiration, mais surtout l'intérêt me manque pour boucler ce topic mort, alors... J'irai poster ailleurs, si ça ne dérange personne.]